Miel industriel : Le gros enfumage sur ce qu'on vous vend !

Ce n'est pas notre genre de casser du sucre sur le dos du miel. Sauf que parfois, il en contient trop. Faire son miel sur le dos des consommateurs en leur servant du mauvais sirop, voilà la grande tendance des industriels. Le labo du Cetam Lorraine, spécialiste indépendant de l'analyse et d'écologie apicole nous ouvre ses pots et ses travaux. Révélations...

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Ils sont beaux ces nouveaux pots de miel aux étiquettes acidulées. Malins, ces flacons verseurs qui évitent de pourrir la table du petit déjeuner. Et ce couvercle alvéolé, quelle bonne idée ! Perdu devant le rayon miel du supermarché, on ne sait généralement vers quelle marque se tourner. Alors on commence par saisir le flacon le plus canari parce que bon, le miel c'est jaune alors ça fait vrai. Que nous dit l'étiquette ? « Mélange de miels originaires et non originaires de la CE. » Bravo on vient d'apprendre que le miel vient de la planète Terre. Merci les gars.

« Les industriels ont obtenu que les mélanges de miels soient exemptés de localisation géographique, explique Paul Schweitzer directeur du labo CETAM. Ils doivent seulement indiquer si leur mélange vient de l'Union européenne ou non. En revanche, quand un miel vient d'un pays et d'un seul, celui-ci est précisé. »


Les miels hexagonaux portent donc la mention France ou mieux le nom de leur région. Sauf que globalement le made in France est difficile à trouver en grande surface où les miels étrangers prennent toute la place. Logique, car si les 70.000 apiculteurs français et leurs 1.300.000 ruches produisent 18.500 tonnes de miel par an, il faut en importer encore un paquet pour satisfaire notre demande sucrée (l'Hexagone s'avale environ 40.000 tonnes de miel par an). Et il vient d'où ce miel importé ? Devine. Comme les jouets en plastique plein de phtalates ou les gadgets électroniques : de Chine producteur mondial numéro 1 avec 446.000 tonnes.

« La plupart des miels premier prix viennent d'Espagne et d'Europe de l'Est pour ce qui concerne l'Union Européenne et d'Amérique Latine et la Chine pour le reste du Monde »
, précise Paul Schweitzer. On progresse, on sait que le miel n'est pas produit sur la lune et qu'il vient souvent de Chine, mais il contient quoi ? Ne cherchez aucune indication sur l'étiquette. Le miel c'est du miel, point barre. Selon laDirection Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes :

« Le miel est la substance sucrée naturelle produite par les abeilles de l'espèce Apis mellifera à partir du nectar de plantes ou des sécrétions provenant de parties vivantes des plantes ou des excrétions laissées sur celles-ci par des insectes suceurs, qu'elles butinent, transforment, en les combinant avec des matières spécifiques propres, déposent, déshydratent, entreposent et laissent mûrir dans les rayons de la ruche... ».
En théorie donc, le miel ne contient qu'un seul ingrédient : du miel. C'est-à-dire ?

Miel coupé

Si l'on décompose le miel, on trouve 80% de sucres (glucose, fructose, saccharose et plein d'autres sucres spécifiques comme le turanose qui n'est pas un dinosaure), 18% d'eau et 2% de produits divers. En théorie.

« Chaque année, on étudie plus de 3500 miels différents, explique Paul. Si la plupart ont des compositions conformes aux exigences du décret de 2003, on trouve néanmoins des preuves tangibles de leur falsification. Certains contiennent du sirop sucré industriel. »
Notre miel serait donc coupé au sucre ? Et personne ne nous a rien dit ?

« La législation est obsolète. Il y a une trentaine d'années, les sirops étaient issus de la canne à sucre ou de la betterave et contenaient essentiellement de la saccharose. Le décret fixant à 5% maxi le taux de saccharose dans le miel, tout ajout de sirop était inévitablement remarqué. Aujourd'hui, le marché mondial a changé. Les sirops industriels proviennent d'amidon hydrolysé qui ne contient pas une goutte de saccharose. Les industriels peuvent en abuser sans être démasqués.»
Ni vu, ni connu, je t'embrouille. Heureusement qu'au Cetam, on sait repérer les dopeurs.

« On peut trouver des traces d'amidon au microscope, relever des taux anormalement bas de turanose preuve que le produit a été dilué... En revanche, on ne peut pointer aucune marque car comme il s'agit de mélanges, chaque lot est différent. »
Autre arnaque pratiquée relevée par le labo : mélanger deux miels. Par exemple, annoncer un miel d'oranger et le couper avec un miel bas de gamme.

« On a pu trouver du pollen chinois dans certains miels soit-disant spécifiques. »
Joli ! Le problème c'est que les fraudeurs sont des professionnels et comme les toubibs du Tour de France, ils contournent constamment les indicateurs des analyses.

« Certains miels coupés sont filtrés pour éliminer les pollens chinois. Il nous arrive de repérer des morceaux de diatomées, ces micro-algues qui servent de filtres. »
Bref, c'est la jungle. Les miels s'adaptent aux contrôles. Et le labo de trouver de nouvelles techniques pour épingler les escrocs.