Pourquoi le kratom, une plante antidouleur, fait-il peur à tant de pays ?
SANTE Ses consommateurs assurent qu’elle est essentielle comme alternative naturelle aux opiacés alors qu’elle est dans le viseur de plusieurs pays
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Pourquoi tant de peur ? Cette herbe est originaire du sud-est de l’Asie où elle y est utilisée dans la médecine traditionnelle. Rencontrant un succès grandissant en Occident depuis les années 1990, elle est consommée pour soulager les douleurs, pour apaiser le sevrage après une addiction aux opiacés et comme stimulant au même titre que la caféine. Jusque-là rien d’inquiétant.
Mais ce sont surtout ses propriétés analgésiques, similaires à celles des opiacés qui inquiètent les autorités de plusieurs pays occidentaux. De même que son utilisation détournée avec d’autres drogues, telles que les méthamphétamines ou des médicaments aux opioïdes.
Une enquête de l’Anses en cours
Récemment, c’est un fait divers sordide qui a remis le kratom sous le feu des projecteurs : en Floride, un homme handicapé est mort de chaleur dans un van car son aide-soignant qui avait pris du kratum s’était endormi. Interdit en Australie, en Malaisie, en Birmanie et en Thaïlande, il est contrôlé dans plusieurs pays européens. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a lancé une enquête en janvier dernier sur le kratom pour évaluer sa dangerosité.
Etats-Unis, il reste pour le moment légal dans 43 Etats. Mais dans un pays où 130 personnes décèdent chaque jour d’overdose aux opiacés, le classer en tant que stupéfiant de type I (de même que le cannabis et la cocaïne) est un sujet épineux, qui met à jour des désaccords entre des instances gouvernementales américaines.
Etudes peu concluantes
A ce jour, il n’existe aucune certitude quant à la dangerosité du produit. C’est pourtant ce qui ressort de la position officielle de la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme régulant la commercialisation de médicaments aux Etats-Unis, qui depuis 2012 multiplie les actions pour interdire la plante.
Dernière en date, une étude de la FDA publiée en 2016 mettant en cause le kratom dans le décès de 44 personnes. Des chiffres que tempère une autre agence nationale américaine, l'Institut national de lutte contre l'abus des drogues (Nida) : « Il y a eu de multiples études sur les morts de personnes ayant consommé du kratom, mais la plupart ont impliqué d’autres substances. » En effet, il ressort dans les résultats de ces études que quasiment aucun décès n’est directement lié au seul kratom, la plupart impliquant aussi de l’alcool, de la cocaïne, du fentanyl… La Nida ajoute également que certains produits labellisés comme des compléments alimentaires au kratom étaient mélangés avec d’autres substances ayant conduit à des décès.
Cependant, la consommation du kratom peut causer des effets secondaires comme de l’agitation, de la tachycardie et de la somnolence parmi les plus fréquents mais aussi un sentiment de dépendance.
Mobilisation des consommateurs
En tentant de classifier le kratom comme stupéfiant en 2016, la FDA déclenchait une controverse de taille qui avait à l’époque mobilisé chercheurs et consommateurs. L’agence de contrôle des drogues (DEA) qui demandait alors au public de témoigner sur le kratom avait reçu 23.232 réponses, dont presque la moitié provenait de vétérans, de scientifiques, de fonctionnaires de police et de professionnels de la santé. « Pourquoi ils veulent que je prenne 10 comprimés par jour quand j’ai déjà quelque chose qui me fait me sentir bien mieux que ces médicaments et à mes yeux, en meilleure santé ? » interrogeait Danielle, vétérante au Huff Post.
Avec une crise des opiacés qui a tué 400.000 personnes entre 1990 et 2017, les défenseurs du kratom assurent que celui-ci peut servir d’alternative naturelle aux antidouleurs et aider à surmonter les addictions aux opiacés. Pour l’heure, aucune étude scientifique n’a été menée sur l’usage seul du kratom pour évaluer sa balance bénéfice-risque et enfin déterminer si oui ou non il doit être utilisé à des fins thérapeutiques.