Jours qui disparaissent, années qui s’allongent... Dix bizarreries des calendriers
OUESTFrance
En - 46, l’année dura quinze mois. En 1582, on passa du 4 au 15 octobre en une seule nuit. En 1712, il y a eu un 30 février en Suède. Alors que l’on passera dans quelques heures en 2020, retour sur quelques incongruités calendaires !
2020 est une année bissextile… Pourquoi ?
Cette nouvelle année comptera non pas 365 mais 366 jours, à cause d’une journée de plus : le 29 février. C’est ce qu’on appelle une année bissextile. Cette journée qu’on ajoute tous les quatre ans permet à notre calendrier de se resynchroniser avec les saisons. En effet, la Terre tourne autour du Soleil non pas en 365 jours mais en 365,2422 jours, soit l’équivalent d’un quart de jour en plus !
Résultat, si toutes les années ne comptaient que 365 jours, nous serions décalés d’un peu plus de sept jours tous les 30 ans par rapport au temps réel, et donc de quinze jours tous les 60 ans. Un casse-tête pour les astronomes depuis plus de 2 000 ans. Il fallait donc corriger ça, en ajoutant une journée supplémentaire tous les quatre ans. L’idée est imposée par Jules César lorsqu’il crée son calendrier julien, sur les conseils de l’astronome égyptien Sosigène d’Alexandrie. Un sixième jour bis – « bisextus », en latin –, qui donnera bissextile en français !
En - 46, l’année dura quinze mois
C’est précisément lors de cette réforme calendaire, en 46 avant notre ère, que Jules César impose à l’Empire romain un nouveau calendrier, baptisé Julien en son honneur. À l’époque, c’est le calendrier républicain qui est en vigueur. Il comporte des années courtes – qui comptent 355 jours tous les deux ans – et des années longues – avec 377 ou 378 jours. Bref, difficile de s’y retrouver ! C’est pourquoi le grand Jules décide de réformer tout cela.
Il profite de son séjour en Égypte auprès de Cléopâtre pour consulter les astrologues du pays, qui lui conseillent de caler ce nouveau calendrier sur l’année solaire qui dure 365 jours. Le temps de l’imposer à tout l’empire et recaler les mois en fonction du soleil, – 46 (appelée « année de la confusion ») dura quinze mois et fut la plus longue année de tous les temps !
En 1582, on passa du 4 au 15 octobre en une seule nuit
Pas de faille spatio-temporelle pour expliquer ce phénomène étrange, mais bien, une nouvelle fois, un changement calendaire. En cette fin de XVIe siècle, l’Europe chrétienne utilise toujours le calendrier julien. « Censé être en phase avec le Soleil, celui-ci se révèle imparfait, explique Olivier Marchon dans son livre Le 30 février et autres curiosités de la mesure du temps. Sa conception est en effet basée sur une estimation d’un cycle de saisons d’une durée de 365 jours et 8 heures, alors que ce cycle dure en réalité 365 jours, 7 heures, 48 minutes et 46 secondes. Le calendrier Julien prend donc chaque année 11 minutes et 14 secondes de retard sur la course du soleil… »
Mis bout à bout, en plus de seize siècles, cela représente un décalage de treize jours par rapport à l’astre solaire. Et cela ne va faire qu’empirer, risquant de décaler la date de Pâques et de la rapprocher du 25 décembre ! Impensable pour le pape Grégoire XIII, qui décide lui aussi de recaler le calendrier sur le soleil. Il décide donc de supprimer d’un coup dix jours de l’année en cours, ceux du 4 au 15 octobre 1582. Il réforme également la règle des années bissextiles. « Jusque-là, on ajoutait le 29 février tous les quatre ans, poursuit Olivier Marchon. Grégoire décide alors que les années séculaires (1600, 1700, 1800…), sauf les années divisibles par 400, ne seront plus bissextiles. »
Shakespeare et Cervantes, deux artistes morts à la même date… Mais pas le même jour !
Cette nouvelle réforme calendaire bouleversera l’Europe chrétienne. Si les catholiques adoptent tout de suite le calendrier du pape, baptisé Grégorien en son honneur, les orthodoxes et les protestants refusent ce changement et conservent le calendrier julien, gardant ainsi les dix jours de décalage. Ainsi, en fonction des États et de leur religion officielle, les pays européens se retrouvent avec deux calendriers différents !
Cervantes meurt le 23 avril 1616 dans l’Espagne catholique qui se base sur le calendrier grégorien. Shakespeare s’éteint lui dans l’Angleterre protestante, à la même date… À ceci près que le royaume a toujours comme référence le calendrier julien. Les deux artistes sont donc morts à la même date, mais à dix jours d’écart !
En 1712, il y a eu un 30 février en Suède
Encore un effet – ricochet – du passage au calendrier grégorien. Au début du XVIIIe siècle, la Suède protestante décide, comme de nombreux pays de chrétiens réformés, d’adopter cette réforme calendaire. Mais pour éviter de supprimer treize jours d’un coup (c’est alors le décalage entre les deux calendriers), le roi décide de réformer en douceur, en supprimant tous les ans le 29 février. Ainsi, en quarante ans, le royaume aura refait son retard sur le reste de l’Europe.
« En théorie, ce calendrier suédois est assez malin : il doit permettre aux habitants […] d’éviter les problèmes de traites, échéances, loyers et impôts qu’on a connus partout où on est passé sans transition au calendrier grégorien… » remarque Olivier Marchon.
Pourtant, tout ne se passera pas comme prévu. Si le 29 février 1700 est bien supprimé, les suivants ne le seront pas, à cause de la guerre qui fait rage entre la Suède et la Russie. En 1711, le royaume de Suède décide donc d’abandonner sa réforme et de repasser au calendrier julien. Sauf qu’il manque un jour, le fameux 29 février 1700, qui a été supprimé ! Afin de se recaler sur son ancien calendrier, on rajoute un jour à l’année 1712, un 30 février unique dans les annales !
Un projet de calendrier universel
Au tournant du XXe siècle, le calendrier grégorien est sur le point de s’imposer définitivement au niveau mondial. Mais d’inspiration chrétienne, il ne plaît pas à tout le monde car il n’est ni universel, ni laïc. On lui reproche aussi d’être irrégulier, avec des mois à 28 ou 29, 30 ou 31 jours, et des jours qui ne tombent jamais les mêmes jours de la semaine d’une année sur l’autre. Critiqué par les scientifiques mais aussi des chefs d’entreprise, pour qui le calendrier grégorien est un frein au progrès, le débat devient international. À tel point qu’en mai 1914, « dans une rare unanimité qui contraste avec la suite de l’histoire, les gouvernements français, anglais, hollandais, allemands, italiens, belges ainsi que les autorités protestantes orthodoxes et dans une moindre mesure catholiques tombent d’accord sur le principe de la nécessité de changer de calendrier », raconte Olivier Marchon.
Le projet retenu est celui de l’Anglais Moses Bruine Cotsworth : il prévoit l’instauration d’un calendrier régulier de treize mois de quatre semaines chacun auquel on ajoute en fin d’année un jour « blanc » afin de le rendre perpétuel. Ainsi, le treizième jour de chaque mois tombe à chaque fois un vendredi, une aubaine – ou pas – pour tous les superstitieux ! Cette réforme calendaire est portée durant l’entre-deux-guerres devant la Société des Nations, ancêtre de l’ONU, et est soutenue par de grandes entreprises américaines, au premier rang desquelles la firme Kodak. Le projet sera finalement définitivement enterré avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Le calendrier éthiopien et ses 13 mois
Ce pays de la corne de l’Afrique possède encore aujourd’hui un calendrier bien particulier, et où nous sommes encore en 2012. En effet, le calendrier éthiopien est une variante du calendrier copte, ayant pour base le calendrier julien, mais avec un point d’origine différent. Ce dernier correspond, comme dans le calendrier grégorien, à la naissance de Christ, dont la date de naissance est controversée. Les Éthiopiens ont donc choisi une date en décalage de sept ans par rapport à celle retenue pour le calendrier grégorien, et il semblerait qu’ils soient plus proches de la réalité historique !
Le Nouvel an éthiopien débute le 11 septembre, et si leur année compte, comme nous, 365 jours, elle se divise en treize mois : douze mois de 30 jours et un petit mois de cinq jours « épagomènes » – ou six les années bissextiles – qui servent à corriger le décalage entre les indications du calendrier et le cycle astronomique. D’où le slogan de l’Agence nationale du tourisme éthiopien « Treize mois de soleil » !
Le mont Athos, l’exception européenne
Plus proche de nous, en Europe, il existe un micro-état qui suit encore le calendrier julien. Il s’agit de la petite république monastique du mont Athos, à côté de la Grèce. Cette île, interdite au public, est habitée par des religieux orthodoxes qui ont conservé le retard avec le calendrier grégorien, qui se porte aujourd’hui à treize jours de décalage. Autre incongruité : ils vivent aussi à ce qu’on appelle « l’heure byzantine », dans laquelle la première heure débute au coucher du soleil.
Sur les îles Samoa, le 30 décembre 2011 n’a pas eu lieu
En 2011, l’année dans l’archipel des Samoa n’a compté que 364 jours, et le 29 décembre a succédé au 31 décembre. Une décision prise unilatéralement par le Premier ministre de cet état indépendant. L’objectif : passer de l’autre côté de la ligne du changement de date ! Il s’agit d’une ligne imaginaire à la surface de la Terre, qui zigzague autour du 180e méridien (est et ouest) dans l’océan Pacifique ; son rôle est d’indiquer l’endroit où il est nécessaire de changer de date quand on la traverse. Pour les Samoa, la raison est avant tout économique. Ce changement permet de se caler avec l’Australie, principal partenaire commercial de l’archipel, et ainsi de commercer avec l’île continent pendant cinq jours par semaine avec eux et non plus trois avec l’ancienne date.
Le 19 janvier 2038, date du prochain bug informatique ?
Le passage à l’an 2000 a suscité à l’époque de sérieuses inquiétudes pour le monde informatique. On craignait alors une immense panne informatique entraînant la paralysie de l’ensemble de la planète, à cause de problèmes liés au format de la date dans les mémoires des ordinateurs et des logiciels.
Finalement moins pire que prévu, le passage au nouveau millénaire s’est fait sans les grands bouleversements annoncés. La prochaine alerte est prévue pour le mardi 19 janvier 2038 à 3 heures, 14 minutes et 7 secondes… Tout cela à cause d’une histoire de bit, l’unité la plus simple en langage informatique, qui sert de base au système d’exploitation Unix créé en 1970 et construit sur une architecture de 32 bits.
Ainsi, chaque seconde depuis le 1er janvier 1970 a été codée informatiquement par une combinaison de 32 bits, la limite étant 4 294 967 296 secondes exactement… C’est-à-dire le fameux 19 janvier 2038, date à laquelle nos ordinateurs pourraient se remettre à zéro ou connaître un bug similaire à celui de 2000 !