À Rennes, les squelettes découverts sous la place de la Mairie ont livré leurs secrets
OuestFrance
En janvier 2022, treize squelettes avaient été mis au jour sous la place de la Mairie, lors de fouilles préalables à la plantation d’arbres. Qui sont-ils, d’où viennent-ils ? Un an plus tard, les scientifiques ont terminé leurs investigations et peuvent répondre à une partie des questions.
Ce n’est pas comme si Rennes ne s’appelait pas déjà Condate, à l’époque Gallo-Romaine, et n’était pas dotée d’une riche histoire. Ce ne fut donc pas une grande surprise lorsqu’en janvier 2022, les archéologues de l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives ont découvert un, puis quatre, puis treize squelettes, dans quatre tranchées peu profondes creusées pour planter des arbres, en haut et en bas de la place de la Mairie.
Ce n’est pas comme si Rennes ne s’appelait pas déjà Condate, à l’époque Gallo-Romaine, et n’était pas dotée d’une riche histoire. Ce ne fut donc pas une grande surprise lorsqu’en janvier 2022, les archéologues de l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives ont découvert un, puis quatre, puis treize squelettes, dans quatre tranchées peu profondes creusées pour planter des arbres, en haut et en bas de la place de la Mairie.
Deux époques du Moyen-Âge
La période de fouilles préventives, obligatoire, a permis de mettre au jour, puis extraire précautionneusement ces squelettes, sortis de longs siècles de sommeil sous les yeux des curieux. Mais qui sont-ils, d’où viennent-ils ? Si les archéologues émettaient des hypothèses, il a fallu près d’un an pour les analyser en laboratoire, et en savoir plus sur leur histoire.
« Il s’agit de sépultures d’adultes et d’enfants, compliquées à dater car elles n’étaient pas très bien conservées et qu’il n’y avait plus beaucoup de collagène dans les os », rapporte Elsa Jovenet, archéo-anthropologue à l’Inrap. Si tous les squelettes datent bien du Moyen Âge, ceux des deux tranchées du haut de la place proviennent « des VIIe et VIIIe siècles, tandis que ceux du bas sont plutôt des Xe et XIe siècles », précise-t-elle.
En revanche, « on ne peut pas savoir s’il y a une continuité temporelle entre les tranchées nord et sud, car on ne peut pas fouiller ». La ville n’ayant malheureusement pas prévu de planter d’arbres au beau milieu de la place, il faudra donc s’en tenir aux hypothèses : « Il est possible que les sépultures des Xe et XIe siècles soient liées à une ancienne église qu’on ne sait toujours pas situer. »
Mystérieuse église Saint-Pierre-du Marché
Cette église Saint-Pierre-du Marché est en effet « mentionnée dans des documents comme se trouvant à la grande porte de la ville », confirme Dominique Pouille, archéologue ingénieur de recherches à l’Inrap. Ce qui pourrait parfaitement coller avec ce secteur, situé juste à l’extérieur de la première enceinte de protection de Rennes (1), datant de la fin du IIIe siècle. Et dont le mur se serait globalement situé sur le tracé de l’actuel rue de l’Horloge.
Pour les sépultures plus anciennes du nord de la place, « peut-être qu’une nécropole gallo-romaine aurait pu perdurer au début du Moyen Âge, avance Elsa Jovenet. En ville, il était courant d’avoir plusieurs cimetières voisins. » Rien que sur la place Sainte-Anne, en effet, il en avait été découvert trois : « Un dans le couvent des Jacobins, un lié à l’église Saint-Aubin et un dernier à côté de l’hôpital qui se trouvait là au Moyen Âge. »
Comme un puzzle
Les modes d’inhumations confirment les datations : plutôt « des coffrages en bois en haut de la place, seulement un linceul ou le corps directement dans la fosse », pour la partie basse. Mais il reste beaucoup de points d’interrogation : « On avait peu de temps et beaucoup reste sous le sol, c’est frustrant », concède l’anthropologue.
Consciente que « les diagnostics archéologiques [préalables à des travaux] sont comme un puzzle dont on ne découvre que quelques pièces. On savait que des sépultures se trouvaient probablement dans ce secteur et cela nous permet déjà de le préciser un peu plus. »
Au-delà des squelettes, des éléments sur l’histoire de Rennes
Au-delà de ces treize squelettes, d’autres éléments ont permis d’en apprendre plus sur l’histoire de Rennes, grâce à l’étude des sols de ces quatre tranchées, réalisée au nord et au sud de la place, en janvier 2022.
Une rue du tracé antique
Les fouilles ont mis « en évidence ce qui a pu être une rue du tracé antique », sur la partie nord de la place, relate Dominique Pouille, archéologue ingénieur de recherches à l’Inrap. Une rue qui aurait cependant été « rapidement abandonnée », à en juger de l’état de la chaussée. Un secteur situé juste à l’extérieur des remparts antiques, qui « aurait été délaissé pendant quelque temps, jusqu’à la fin de l’Antiquité. »
Des gravats d’alluvions de la Vilaine
Les sépultures du sud de la place, elles, « sont dans une zone totalement excavée. On a sûrement creusé le sol pour récupérer des gravats d’alluvions de la Vilaine, une sorte de gravier et du schiste, utiles pour la construction de bâtiments, soit à la fin de l’époque antique, soit au début du Moyen Âge. » On a alors enterré les corps dans ces tranchées déjà existantes.
Des traces d’habitations
Dans la tranchée du nord-ouest de la place, « on n’a trouvé aucune sépulture mais des traces d’habitations antérieures au Grand incendie de 1720 [qui a brûlé 40 % du centre ancien durant six jours] et qui ont également profité de cette zone excavée. »
Un mystérieux bâtiment datant du Moyen Âge
Dans l’angle sud-est de la place, enfin, « on a retrouvé des éléments provenant d’un gros bâtiment public ou manoir du Moyen Âge, et qui ont été réutilisés dans la construction d’une maison du XVIIe ou début du XVIIIe siècle. C’est très intéressant, on ne sait pas encore à quoi pouvait correspondre ce gros bâtiment qui a été incendié, à en juger par les blocs rougis par l’action du feu. » Une mission à relever pour les historiens rennais ?
(1) Les murs de la première enceinte de protection de Rennes, datant du IIIe siècle, englobaient la place des Lices au nord, jusqu’à République au sud et jusqu’à l’équivalent de la rue de l’Horloge, derrière l’actuelle mairie. La partie Est a été en partiellement démolie pour bâtir de nouveaux remparts qui englobent toute la partie nord Vilaine du centre-ville, au XVe siècle.