« Le but est de pouvoir tenir six mois »... Dans leurs bunkers de luxe, ils se préparent au pire
OuestFrance
Alors qu’une partie de la population mondiale subit une longue période de confinement, des entreprises américaines spécialisées dans la construction d’abris et de refuges souterrains trouvent dans la pandémie de Covid-19 une publicité inattendue.
La survie a toujours fasciné les Américains. Sous des formes diverses, les émissions de télévision et jeux consacrés au sujet se multiplient : Doomsday Preppers, Naked and Afraid, Survivor… Certains responsables religieux extrémistes n’hésitent pas non plus à menacer leurs ouailles d’une apocalypse imminente en utilisant les événements de l’actualité, comme la pandémie de coronavirus en cours.
Un climat anxiogène sur lequel surfent les entreprises de construction de bunkers de sécurité. La société Vivos, basée en Californie, n’hésite d’ailleurs pas à en faire état dans son argumentaire de vente, citant, pêle-mêle, certains passages de la Bible, les prédictions de Nostradamus, les visions des Indiens Hopi, les probabilités de « méga tsunami » ou le choc avec un astéroïde meurtrier !
Pour faire face à ces « éventualités » , Vivos a décidé d’investir dans d’anciens sites militaires à l’abandon, afin de les transformer en abris équipés, tout en proposant une vie de communauté avec d’autres « survivants » .
Nous vivons dans une époque troublée, explique le fondateur, Robert Vicino. Les gens se réveillent tous les jours avec des informations de plus en plus alarmantes et des menaces à travers le monde, que ce soit le coronavirus, l’effondrement de l’économie ou l’escalade militaire avec la Corée du Nord. Nous leur proposons une opportunité de survie et un plan B fiable. »
Le premier site développé par l’entreprise en 2012 s’est servi d’un complexe militaire imaginé par l’armée américaine au cours de la guerre froide. Basé dans l’Indiana et réputé pour supporter les chocs d’une bombe atomique de 20 mégatonnes, ce complexe destiné à accueillir 80 personnes a été pris d’assaut par les acheteurs.
« Versions modernes de l’Arche de Noé »
Un succès qui a incité Robert Vicino à acquérir deux autres sites militaires, l’un de 575 abris dans le Dakota du Sud et l’autre en Allemagne. Ce dernier, bâti sur 2,3 hectares par les Soviétiques après la Seconde Guerre mondiale est présenté comme « la communauté la plus moderne et la plus luxueuse » du groupe.
L’entreprise affirme pouvoir accueillir jusqu’à 5 000 personnes dans le Dakota et plus de 1 000 en Allemagne, promettant même la construction prochaine d’écoles, cliniques, magasins et lieux de culte.
« Il s’agit de versions modernes de l’Arche de Noé », fait valoir le fondateur, dont les abris se négocient aux alentours de 25 000 dollars pour un bail de 99 ans, auxquels s’ajoutent les coûts de l’aménagement et des systèmes d’électricité, de filtration de l’eau et 1 000 dollars par an de charges.
Certaines personnes, cependant, préfèrent abandonner l’idée de communauté et envisager la survie par eux-mêmes. « Si le monde, tel que nous le connaissons, s’effondre, il n’y aura plus d’unité. Chacun pensera à soi et agira au détriment des autres », affirme Adam Silverberg, à la tête d’une société proposant des stages de survie dans les San Gabriel Mountains, près de Los Angeles, en Californie.
Boom de la demande
Partant de ce principe, la Rising S Company, basée au Texas et créée en 2002 après les attaques du 11 septembre, propose la construction d’abris souterrains individuels.
« Notre prix de base est de 39 500 dollars, indique le general manager, Gary Lynch. Depuis notre lancement, nous en avons réalisé plus de 1200, principalement aux États-Unis, mais aussi un peu partout dans le monde. »
Un business déjà florissant, auquel la crise du coronavirus a encore donné un coup de pouce. « Nous avons quatorze chantiers en cours et notre carnet de commandes ne cesse de se remplir. Le besoin de bunkers souterrains augmente, constate Gary Lynch. Les demandes que nous recevons ont grimpé de 2 000 % ! »
Si le catalogue de l’entreprise présente des réalisations extravagantes, comme cet abri de 1 400 m2 avec garage pour voitures de luxe et salle de cinéma, la plupart des refuges se limitent à l’essentiel.
« Inutile d’être millionnaire pour en posséder un. Il est simplement nécessaire d’avoir suffisamment de terrain, explique Gary Lynch. Nos clients souhaitent simplement protéger leur famille, que ce soit avec des pièces isolées et renforcées munies de trappes d’évacuation menant par un tunnel à leurs bunkers, ou par des abris plus vastes et complexes. »
« Pouvoir tenir au moins six mois »
Rising S Bunkers se charge ainsi de réaliser un produit clé en main, qu’il s’agisse de la conception, de la décoration ou des systèmes d’électricité, de chauffage et d’assainissement.
« Le but est de pouvoir tenir au moins six mois, explique un acheteur, préférant conserver l’anonymat, installé dans l’est du Nevada. Lorsque je vois les gens se ruer sur le papier toilette, le riz et les conserves, je me dis que nous avons bien fait de nous préparer : les troubles civils ne sont pas loin. »
Si plusieurs options existent dans le catalogue de l’entreprise, les clients dépensent en moyenne un million de dollars, s’assurant notamment que la nourriture et les divertissements sont suffisants. « Chacun s’arrange pour vivre un confinement relativement agréable, poursuit Gary Lynch. Pour le reste, c’est à nous d’intervenir. Les murs et les portes de nos bunkers peuvent résister aux explosions. Ils sont insonorisés et le verrouillage est renforcé. Nous nous occupons de la sécurité, aux clients de gérer l’ennui. »
Un ennui tout à fait relatif pour l’éventuel acheteur de l’« Aristocrate », le modèle haut de gamme proposé à près de 9 millions de dollars. Celui-ci peut accueillir 50 personnes et comprend des salles de jeux, un sauna, une salle de sport, une salle multimédia, un bowling, un champ de tir et une piscine.
Des aménagements auxquels s’ajoutent une cuisine personnalisée, un garage multi-véhicules, une serre potagère bio et de grandes salles de stockage. De quoi rendre la fin du monde plus agréable…