Des centaines de trésors restent encore à découvrir dans le monde
OustFrance
Partout en France, des histoires et autres légendes locales racontent l’existence de trésors ou de magots disparus et jamais retrouvés. Derrière ces fantasmes, il y a des règles très strictes et un risque réel pour la protection du patrimoine…
Le trésor des Cathares ou celui des Templiers, l’intrigante histoire de l’abbé Saunière qui, à Rennes-le-Château en 1885, se retrouve d’un coup riche à millions après avoir effectué des travaux dans son église délabrée…
Qui n’a pas un jour, en écoutant ces histoires, rêvé de découvrir un chaudron plein de pièces d’or en faisant des travaux dans une vieille maison ou en tombant par hasard sur ces reliquats du passé au cours d’une balade en forêt ?
Dans l’imaginaire collectif, la recherche de trésors enflamme les imaginations ! Des aventures d’Arsène Lupin dans l’aiguille creuse à celles du jeune Jim Hawkins, héros de L’Île au trésor, en passant par le magot de l’abbé Farria qui fit d’Edmond Dantès le Comte de Monte-Cristo, la littérature nourrit cette fascination depuis des siècles.
Tout comme, plus récemment le cinéma, avec les aventures d’un Indiana Jones lancé à la poursuite de l’arche d’Alliance ou d’un Benjamin Gates dont une série télévisée va prochainement être diffusée sur la plateforme de de vidéos à la demande Disney +.
600 trésors encore à découvrir
Selon certains spécialistes, il resterait près de 600 trésors connus à découvrir en France (et beaucoup plus si on imagine tous ceux qui restent inconnus !).
Parmi eux, celui des Chartreux de Bordeaux qui, à la Révolution, aurait caché leur butin dans l’église Saint-Bruno à Bordeaux ; ou les 885 millions d’écus en or de la Sémillante, qui seraient toujours au fond de l’eau, au large de Bonifacio, après que ce bateau en partance pour la Crimée en 1855 a fait naufrage…
Il y a aussi la cassette du maréchal Brune : ce proche de Napoléon aurait confié à son aide de camp en 1815, peu avant d’être assassiné par des royalistes à Avignon, une cassette contenant or, bijoux et pierres précieuses. Ce dernier aurait planqué le magot à une demi-heure de marche de la ville de Saint-Étienne, en direction du Puy-en-Velay.
À Paris, c’est du côté du Louvre que se trouve peut-être encore le trésor du marquis de Louvois, qui aurait dissimulé dans son hôtel particulier de quoi assurer la dot de sa fille, qui finalement ne se maria pas. Anciennement adossé au palais-musée, l’hôtel fut détruit en 1833 sans que le trésor ne soit retrouvé…
Dans chaque région, des histoires de ce type sont nombreuses. Si pour beaucoup elles sont assimilées à des légendes, des découvertes, faites au fil des années, regonflent l’espoir des plus acharnés !
Des découvertes dues au hasard
Pour les chasseurs de trésors, on connaît ces histoires par cœur. Celle du trésor de la rue Mouffetard, du nom de cette découverte faite par des ouvriers en 1938 lors de la démolition d’un immeuble dans cette artère du 5e arrondissement de la capitale.
Dans un pan de mur, des milliers de pièces d’or du règne de Louis XV étaient cachées, enroulées dans des morceaux de toile et accompagnées du testament de Louis Nivelle, un conseiller du roi.
Ou celle des scouts normands qui, en 1954, découvrent un trésor dissimulé derrière une pierre, alors qu’ils participent à un jeu de piste dans l’abbaye Saint-Wandrille. Ou enfin, et plus récemment, ce couple de Millau qui mit la main en 2011 sur un ensemble de pièces datant du XVIIe siècle, alors qu’ils faisaient des travaux dans la cave de la maison familiale. Prix du butin : 100 000 euros !
Un loisir très encadré
Depuis une vingtaine d’années, la France connaît un engouement certain pour la détection de loisir. Chaque année, entre 10 et 15 000 détecteurs de métaux sont vendus dans l’Hexagone, et plus de 100 000 personnes pratiqueraient ce loisir un peu particulier, prospectant plus ou moins activement.
La fouille est très encadrée, et si le Code civil prévoit le partage à parts égales entre l’inventeur – c’est ainsi qu’on appelle la personne qui découvre le trésor – et le propriétaire du terrain, il faut que la découverte soit le fruit du hasard, « l’intention de découvrir un objet historique » étant répréhensible par la loi.
Et si vous tombez de manière fortuite sur une telle trouvaille, vous êtes tenus de la déclarer à la mairie de la commune concernée. Sur un terrain privé, les détectoristes doivent avoir l’autorisation écrite du propriétaire, et la loi de 1989 rappelle qu’il est formellement interdit de prospecter sur un site archéologique.
Le Code du patrimoine précise que « nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. »
Ce qui n’empêche pas certains de jouer parfois avec les limites de la légalité, et d’entreprendre des fouilles sauvages sur des lieux qu’ils ont repérés après des recherches dans des ouvrages historiques ou sur internet.
Un risque de destruction du patrimoine
En décembre dernier, l’un de ces détectoristes amateurs, habitant dans l’est de la France, a été interpellé par les agents de la douane.
Ces derniers ont découvert chez lui 27 400 pièces d’une valeur inestimable sur le point de vue archéologique, fruit de plusieurs années de prospection : bracelets et torques datant des âges du bronze et du fer, un très rare dodécaèdre romain, des milliers de pièces de monnaie de l’époque gallo-romaine, ou encore des boucles de ceintures mérovingiennes, médiévales ou de la Renaissance.
Des trésors archéologiques « d’une qualité exceptionnelle », selon le ministère de la Culture, frauduleusement déterrés sur différents sites de l’est de la France.
« Ces objets sortis de leur contexte perdent au niveau d’interprétation, on perd des éléments sur la datation, leur vocation, sans parler des problèmes de préservation, expliquait alors à l’Agence France Presse (AFP) Frédéric Séara, conservateur régional de l’archéologie au sein de la DRAC Alsace. L’ampleur des pillages archéologiques en France est dramatique, ça ne se passe pas qu’en Égypte. »
L’affaire est même remontée jusqu’au ministre de l’Économie, Bruno Lemaire qui, évoquant « un trésor inestimable », a déclaré que cette saisie était « un message clair adressé à ceux qui, pour le profit et le plaisir égoïste de quelques-uns, nous privent de notre patrimoine commun et effacent des pans entiers de notre histoire ».
Dénoncer ces agissements
Depuis 2016, la loi s’est durcie, afin de protéger le patrimoine archéologique : « Les vestiges mobiliers issus de découvertes fortuites sont la propriété de l’État dès la reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation. »
Une victoire pour l’association Happah (pour Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique) fondée en 2007 par des archéologues dénonçant les ravages qu’engendreraient, selon eux, les chasseurs de trésor.
Depuis, ils réclament un renforcement de la législation encadrant l’usage des détecteurs de métaux. Selon eux, ce sont près de 520 000 objets archéologiques qui terminent chaque année dans des collections privées.
Bon nombre de prospecteurs jurent de leur bonne foi, mettent en avant leur passion pour l’histoire et condamnent les agissements de ceux qu’ils qualifient de « brebis galeuses » qui discréditent leur loisir. Beaucoup d’entre eux pensent même bien faire en mettant à jour des éléments enfouis.
Pourtant, les professionnels de l’archéologie déplorent régulièrement des fouilles anarchiques, sans réelle méthode scientifique, rendant souvent inexploitables d’un point de vue historique ces découvertes.
« Les chasseurs de trésor n’ont pas forcément la perception de mal faire, mais nous passons notre temps à expliquer que leurs gestes sont nuisibles, négatifs pour le patrimoine, explique Jean-David Desforges, le président de l’Happah. Ce qu’ils peuvent mettre au jour est un bien collectif qui appartient à la nation. Cela n’a pas à finir sur une étagère de leur bureau – dans le meilleur des cas – dans une salle des ventes ou sur internet, le tout avec une traçabilité douteuse. »