Stephen Hawking. Son dernier article révolutionnaire veut prouver l’existence d’univers parallèles
Disparu le 14 mars, l’astrophysicien britannique Stephen Hawking a toujours été en avance sur son temps. Provocateur, il a parfois souvent émis des hypothèses déstabilisantes, dont certaines sont aujourd’hui considérées comme faisant partie des théories plausibles. S’il a entre autres travaillé sur les trous noirs, Hawking a, à la toute fin de sa vie, cherché les moyens de démontrer l’existence d’univers parallèles. Son dernier article devrait être publié bientôt. Et il est révolutionnaire.
L’Univers. Autrement dit, l’ensemble de tout ce qui existe, régi par un certain nombre de lois physiques. Déjà pas simple à appréhender, ce concept – origine, taille, âge, expansion infinie ou pas, distribution de la vie en son sein : les questions sont nombreuses… Alors imaginez maintenant le Multivers. Ou, si vous préférez, le Multi-univers, un ensemble d’univers possibles, parallèles. Existant en même temps, mais séparément. Ailleurs, mais peut-être accessibles. En tout cas discernables. Oui, l’idée est vertigineuse.
Pas étonnant qu’elle ait intéressé l’astrophysicien Stephen Hawking, disparu le 14 mars dernier à 76 ans. D’abord parce qu’il a toujours fait preuve d’un esprit novateur, voire provocateur. Ensuite par ce qu’il a, voici plusieurs années déjà, émis l’hypothèse que les trous noirs, loin d’être des entités fermées dans lesquelles matière et lumière restent piégées, sont en réalité des passages ouverts vers d’autres réalités. Il fallait bien, après cela, que l’astrophysicien britannique s’intéresse à ce qu’il y a « de l’autre côté ». Et ses premières idées sur la question datent de 1983.
Comme les pages d’un livre ?
Commençons par planter succinctement le décor. Un Multivers, qu’est-ce qu’est ? Un ensemble d’univers, avons-nous dit. D’accord, mais… Séparés, ou bien communiquant entre eux ? Régis par les mêmes lois physiques ou pas ? Distincts (comme les pages d’un livre), mais formant un tout homogène (un livre) ? Dupliquant à l’infini les mêmes composants mais avec d’infimes variations (et alors, dans un de ces univers parallèles, vous êtes en train de faire tout autre chose que de lire cet article) ? Toutes ces théories, aujourd’hui, coexistent très sérieusement. Et certaines ne datent pas d’hier : contrairement à ce que l’on pourrait croire, la théorie du Multivers n’est pas nouvelle.
Newton, en son temps – au tout début du XVIIIe siècle, donc – en esquissait l’idée philosophique, avançant que Dieu aurait très bien pu créer en même temps plusieurs mondes, avec des lois différentes : « À tout le moins, je ne vois rien d’une contradiction dans tout ceci », écrivait-il en 1704. Pas de « Big bang », pour lui. Mais Dieu. Qui, s’il existe, peut en effet bien faire tout ce qu’il veut comme il le veut.
L’idée de plusieurs univers prend son essor dans les années 30, puis est développée dans les années 50 par le physicien Hugh Everett et sa « théorie des mondes multiples ». Mais pour le scientifique américain, ces multiples univers sont séparés, différents, inaccessibles entre eux. Pour Everett, chaque monde contient une version unique de chaque personne qui vit une situation différente au même moment du temps.
« Mousses d’univers » ou membranes ?
Pour d’autres physiciens, les différents univers se définissent dans un espace des possibles et chacun possède ses lois et ses constantes propres - on parle alors de « mousse d’univers ». Pour d’autres encore, une infinité d’univers à quatre dimensions coexistent sur des branes (raccourcissement de membranes) différentes, de la même façon que des pages d’un livre coexistent sans intersection.
De son côté, Stephen Hawking était d’accord avec l’idée du Multivers. Et il a émis celle, encore plus folle, que l’on pouvait, depuis notre Univers, détecter la présence de ceux qui « coexistent » avec le nôtre.
Cette théorie, l’astrophysicien britannique entendait carrément la démontrer à la fin de sa vie. Son dernier article, coécrit avec Thomas Hertog, professeur de physique belge dont Hawking a été le directeur de thèse, est intitulé « A Smooth Exit from Eternal Inflation ». Ou, si vous préférez (mais ce n’est pas certain) : « Une sortie douce de l’Inflation éternelle ».
Des radiations détectables ?
Des radiations détectables ?
Autrement dit (et pour faire court) une remise en cause de certains modèles dominants d’explication de l’univers (notre Univers est en perpétuelle expansion). Associée à l’idée que si plusieurs univers ont été « créés » par le Big Bang, ils ont laissé une trace dans le nôtre. Une sorte de radiation que l’on doit pouvoir donc détecter. Analyser. Décrypter. Comment ? À l’aide de capteurs « adéquats » et d’une sonde spatiale.
L’article, commencé en 2017 et ultimement corrigé quatre jours avant la mort de Stephen Hawking, devrait être publié bientôt, après relecture par la communauté scientifique. D’après Thomas Hertog, cet écrit d’une quinzaine de pages (dont le PDF, carrément aride, est accessible ici), veut « transformer l’idée d’un Multivers en un cadre scientifique qu’il est possible de tester ». Il porte donc en lui les germes d’une approche révolutionnaire de l’Univers.
Selon plusieurs chercheurs, un tel article pourrait déboucher sur un prix Nobel. À un détail près : cette récompense ne peut être donnée à titre posthume. À moins que dans un autre Univers…
OuestFrance