Il était une fois, un jeune homme, le Jeantou de la Peyrounette, courageux, vaillant, mais sa famille n’était pas particulièrement riche. Il avait déjà participé à plusieurs expéditions que le roi de son pays avait organisé, il avait été apprécié de ses chefs, décoré, et à cette occasion là, dans un vin d’honneur, il avait rencontré la fille du roi, elle lui plaisait bien, et il ne lui était pas indifférent. Prenant son courage à deux mains un matin, il est allé voir le roi pour la lui demander. le roi, qui était assez près de ses sous hésitait. Ou bien sa fille (et sa femme) lui cassaient les oreilles à longueur de journée avec cette histoire ou alors il ne pouvait pas la jeter dans les bras d’un prince voisin, riche comme Crésus, mais un peu trop grassouillet pour que sa fille, même, le regarde. Aussi, pour gagner du temps : Jeantou toi qui est brave va me chercher les trois cheveux d’or qui sont sur la tête du diable.
Comment diable (c’est le mot), trouver où habite le diable ? Alors avec son baluchon, Jeantou s’en alla à la recherche de qui savait son logement. Arrivé chez la sorcière du village, une brave vieille ma foi, qui préparait des simples et accouchait les femmes il lui demande où il pourrait trouver le diable. Ah pauvre Pitiou, c’est pas la porte à côté. Prends cette route et tu continues sans jamais tourner aux différentes cafourches.
Mais fais bien attention c’est loin et il y a sur le chemin des gens bien malheureux. Le jeune homme la remercie, et marche que marchera, il n’y avait pas de chemins de fer en ce temps là, et pas de grèves non plus alors ça compense.
il arrive au bout de quelques semaines dans un village où tout le monde tirait une gueule d’enterrement. Il demande à l’auberge ce qui se passait et on lui apprend que la fontaine qui faisait la richesse du village : il y coulait du vin blanc, un des meilleurs qu’on connaisse dans tout le royaume. Ils servaient même la table du roi, et il risquait se fâcher contre eux, s’il ne pouvait plus boire ce vin quand il mangeait du poisson. Obligé de se contenter du Picpoul, ce n’est pas digne d’un roi.
La période de l’ouverture de la pêche approchait et c’était terrible.
Jeantou mange à l’auberge avec un vin rouge de Buzet, qui ma foi n’était pas désagréable, et le lendemain, il part, toujours tout droit comme le lui avait dit la brave sorcière de chez lui.
Marche que marchera, quand on se lève matin en fait du chemin…
Au village suivant, encore des figures de caramentran, l’arbre qui donnait de si bonnes pommes est en train de crever, on a eu beau faire tout ce qu’on savait, on a même fait venir le jardinier du Roi, il perd ses feuilles et on craint bien que cette année il n’y ait pas la récolte miraculeuse des autres années. Le roi qui est un gourmand, même s’il est avare, ne leur pardonnera jamais de ne plus avoir les tartes qui faisaient ses délices l’année précédente encore.
Là encore le Jeantou mange et passe la nuit, et s’en va, en promettant au maire que si une idée lui vient il la leur ramènera de son voyage.
Il arrive comme ça à une large rivière avec sur la berge un pauvre homme de passeur, le Paul, qui semble bien malheureux. Embarque, Embarque…Qu’est ce qui t’arrive pauvre passeur pour faire ce mourre ? Eh mon pauvre Jeantou, j’aimerai bien voir du pays comme toi, mais je suis obligé par la loi du roi de rester à ce poste tant que personne ne voudra me remplacer. Et pour le moment il n’y a pas beaucoup la relève Toi qui voyage, Jeantou, s’il te vient une idée je te prie de me la faire savoir. La rivière traversée, bien plus dangereuse que le Lot, avec des tourbillons, et de vilains rochers sous l’eau, le jeune homme repart courageusement et il finit par arriver à une maison de bonne mine bien qu’un peu fatiguée, à moitié creusée dans le rocher.
Une vieille est là qui étends son linge, et quand il voit que chaque pantalon rouge a en son fond un trou bien rond (pour faire passer la queue fléchée du diable bien sûr) et chaque bonnet deux trous également pour laisser passer ses cornes, il sait qu’il est enfin arrivé. Poliment il va voir la vieille et lui demande si elle peut lui avoir les trois cheveux d’or.
Ah mon pauvre Jeantou : le diable c’est mon fils, tu as bien de la chance qu’il soit partir courir ce grand galopier, sinon il te mangerait. Cache toi sous mes jupes, j’entends sa carriole des morts qui arrive il n’est pas bien loin , La mémé portait des grandes jupes qui trainaient jusque par terre comme on faisait autrefois, c’était la seule cachette qu’il y avait dans sa cuisine. Jeantou s’y cache, même que ça ne sentait pas bien bon. Elle avait peur, elle même, de son fils et ça lui tracassait le ventre. Le Diable arrive et commence à renifler «ça sent la chair fraîche» à mon pauvre paic, en dehors du tessou que tu as à moitié mangé à ton repas d’hier soir, il n’y a rien eu de nouveau dans le garde manger. Ça ne fait rien j’ai bien envie de terminer le reste s’il n’y a rien de neuf. La vieille, toujours le Pitiou sous ses jupes fourgonne le feu et met à réchauffer le plat de cochon de la veille. Et pour Jeantou ça sentait je vous dis pas, et ça ne sentait pas la bonne cuisine… La vielle diablesse avait d’autant plus peur qu’elle savait bien qu’elle mentait à son grand diablas de fils. Enfin après avoir mangé sa soupe fait un brave chabrot, dévoré le reste du cochon, descendu chopine entière, le diable s’assoit devant le feu, sur un coussin, devant le cantou, aux pieds de sa mère.
Oh dis donc grand galapian, où es tu aller courir : ta belle bourre est toute défrisée, lui, bien repu, s’adosse contre ses genoux et commence à ronquer. Un ronflement de diable, je vous dis pas il y a de quoi réveiller un quartier ! La vieille avec son peigne commence à lui arranger les cheveux et crac, elle lui arrache un cheveu d’or. Le diable en a trois comme avait dit le roi, mais pour n’importe qui, les attraper, ce n’est pas si facile ! Réveillé en sursaut il se met à chapailler, après sa mère qui s’excuse et lui dit s’être endormi elle aussi, et dans son rêve elle a vu un village dont la fontaine magique ne veut plus couler. Oh c’est rien : ces imbéciles n’ont qu’à tuer le crapaud qui est dans le tuyau, ça coulera comme avant. Il recommence à dormir, ronfle que ronflera et la vieille lui arrache un second cheveu d’or. Mais vous m’avez fait mal faites attention ! Oh mon gosse ne te mets pas encore à rouscailler, je rêvais qu’un arbre qui donnait de si bonnes pommes et en train de crever. S’ils tuent le rat qui mange les racines l’arbre se portera comme autrefois. Là dessus il devait être vraiment fatigué, il se rendors. Elle attends un moment et crac lui arrache le dernier cheveu. Là furieux il se relève : Qu’est ce que tu as rêvé encore. Je vous raconte pas ce que devait supporter le Jeantou, il ne peut plus respirer ! C’est juste un mauvais rêve encore le passeur qui ne peut pas quitter sa place. Que cet imbécile colle les rames dans les mains du premier couillon venu et s’en aille en courant l’autre sera bien obligé de le remplacer.
Là dessus toujours en bassaquant d’avoir été dérangé dans sa sieste, le diable en jurant reprends sa charrette dans laquelle il emporte les damnés de la journée et s’en va dans son abominable bruit de ferrailles en chercher d’autres.
Jeantou enfin peut respirer, il remercie bien la mère du diable prend les trois cheveux d’or, lui fait une bise, et s’en retourne par où il est venu. Le passeur lui demande s’il a trouvé une solution, il attends d’être bien à l’abri sur la berge et lui donne la réponse que lui a donné le diable. Merci lui dit l’autre qui lui lance une bourse d’or pour le remercier. Il arrive au village du pommier et va expliquer au maire ce qu’il faut faire. On le remercie en lui donnant encore une grosse bourse d’or. Il arrive enfin au village de la fontaine et là aussi il explique au maire qui le remercie et lui donne encore une belle récompense, toujours en or. Tout content en sifflotant, il revient au château du roi, avec son chargement d’or.
Amadoué à la vue des pièces le roi lui donne sa fille à marier et tout les soirs durant un mois, viens les embêter chez eux pour lui demander où il a pu trouver tout cet or. Jeantou finit par lui dire le chemin et le roi décide de partir dès le lendemain ramasser une pareille fortune. je vous ai dit que c’était un avare. Arrivé à la rivière, malheureusement pour lui, le passeur voyant ce client lui colle les rames dans la main sous prétexte d’attacher la barque et s’en va en courant.
Le roi a donc du le reste de sa vie faire le passeur. Faute de roi, on a choisi Jeantou mari de la fille du précédent, comme il était bon garçon le pays a prospéré ils vécurent heureux et eurent quelques enfants.
Cric crac moun counte es acabat.