Allez..un peu de poêsie par ces temps difficiles

Pour se reposer quelques minutes
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La cour des miracles




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Rue montorgeuil au petit matin, une bise glaciale et lumineuse ondule son brouillard mélangé aux fumeroles vaporeuses des bouches dégouts éructant leurs relents. Une odeur capiteuse d’eau croupie et de pourriture flotte dans l’air. Dans cette partie du village surplombée par une église désertique, une petite vieille à la gueule défoncée tire un chariot bouffé par la rouille qui couine sa misère à chaque mètre effectué. Essoufflée, elle s'arrête devant la terrasse du café « Chez Maurice » où la faune matinale des paumés, alcoolos et autres chômeurs se donne rendez vous pour refaire le monde à coup de blanc casse. Elle a soif mémé mais, côté finance, elle est raide alors elle regarde les autres boire.

Il y a là l'inénarrable René qui, le bide en tension sous son Marcel crade joliment coloré des reliefs du menu de la semaine, accuse le gouvernement, la presse et ces empaffés d'arabes qui viennent envahir nos campagnes avec leurs mosquées, de sa situation d'assisté. A ses côtés, les ongles noirs de Rachid, alcoolique en phase terminal, raclent le comptoir à la recherche des restes de cacahuètes salées abandonnées la veille au soir pour agrémenter son 51. Aujourd’hui, il demande un glaçon pour son apéro, René lui explique que c’est un cube d’eau, serait-ce un pas vers la guérison ? A chaque passage derrière le présentoir, le gérant vérifie que sa pétoire est bien en place près du tiroir caisse au cas où, un indélicat aurait l'incongruité d'en vouloir à son investissement.

Dans sa veste maculé de sang et son parfum de saucisson à l’ail, Bébert le charcutier, habitué au Picon bière dés matines, acquiesce très positivement aux conneries de René et pour cause, ils collent ensemble les affiches pour les municipales et n'hésitent pas à faire le coup de force si la faction adverse empiète sur, ce qu'ils estiment être, leur territoire. Pour eux le vin d’ici vaut mieux que l’eau de là. La bêtise n'a pas de camps, elle bascule d'un côté à l'autre, le principe même des vases communiquant.

Dés l'ouverture, Mario cauchemarde devant un verre d'alcool. Peu importe la marque ou le contenu, pourvu que ça tape, que ça cogne mais surtout que ça efface de sa tête la Marianne qui a foutu le camp avec son ouvrier polonais. Depuis son entreprise, comme lui, boit la tasse et si les degrés frappent à ses tempes, les huissiers frappent à sa porte.

Impossible d'oublier Philippe de Kervalec, écrivain raté qui se l'a joue Rimbaud et, faute d'absinthe, se torche au pastis en scribouillant ses délires sur des serviettes en papier. Entre deux verres, sa prose déclamée laisse ahurie les consommateurs du l’illustre établissement. Dans un coin, près du lieu d'aisance, Laura et sa copine se racontent les passes de la nuit. Le maquillage a coulé, il a du mal à cacher le mauvais traitement des années trottoir et, le visage des deux prostituées brille comme le formica crasseux de la table sur laquelle elles sont accoudées.

Un vieillard sans âge équivoque, ridé comme l'écorce d'un chêne centenaire, se perd dans la lecture d'un torchon quotidien à la rubrique nécrologie. Tel un limier près du but, il cherche des connaissances qui dans cette liste, nourriture inépuisable de la grande faucheuse, sont parties avant lui. Près d'une antiquité musicale à galettes de vinyle qui crachote en boucle les portes du pénitencier, trois ou quatre sans papiers sirotent un café. Dans quelques minutes, un fourgon passera les prendre et les déposera sur un chantier dirigé par un enfoiré qui, pataugeant lui même dans sa petite vie de merde, se fera une joie de maltraiter ces déracinés. Un punk, les doigts jaunis par le tabac et les dents pourries par une absence d'hygiène rédhibitoire, rote les deux œufs durs qu'il vient de gober prestement.

En bout de console, ne pas oublier costard cravate bleu pétrole de chez Tadduni avec ses pompes à gland. Le philosophe socialo anarcho bobo droit de l'hommiste qui pérore sa science, ses conseils, ce qui serait bien, ce qu'il faudrait faire mais, qu'il ne fait pas parce que lui, c'est pas pareil. Le bonheur, à cet instant, serait qu'il ferme sa gueule pour faire des vacances aux patients de la noble institution venus en ce lieu panser leurs plaies dans le spiritueux.

Et puis il y a l'idiot du village, le Fanfan, un pète au casque dès la naissance car sa mère shootée à l'héro, entre deux descentes, a éjecté bébé la tête la première sur le carrelage de la cuisine. Il est partie intégrante du décor, monte et descend les caisses de spiritueux de la cave et, sert de faire valoir au gérant de l'endroit dont le quotient intellectuel est à peine supérieur à celui du benêt qu'il exploite.

Quenelle, le bâtard du patron, la truffe en l'air, la queue balayant en cadence les restes de sciure sur le carrelage jaune pisse, regarde d'un air dubitatif le genre humain venu s'échouer chaque matin dans le troquet de son maitre. Celui ci en passant près du tiroir caisse, balance son pied dans le cul du canidé déclenchant ainsi un rire tout en finesse chez les poivrots et un couinement de protestation tout naturel chez la bête.

Dehors, au premier carrefour, une paire de pandores attend avec fébrilité le premier consommateur inconscient qui prendra sa voiture. Les rambos de l’asphalte planqués sous un filet couleur chiasse, trépignent d’impatience. Les guignols pourront bientôt fêter une victoire, une performance, celle d'avoir un candidat plus doué qu'eux à l'éthylotest. Le dernier en date leur avait pourtant expliqué que si l’alcool tuait sur les routes, ils avaient qu’à supprimer les routes !...

Dans cette cour des miracles aux âmes esquintées, chahutés d'un verre à l'autre, des survivants brouillons revoient leur copie sur le zinc déprimant d'un bar de nulle part. L'abreuvoir des regrets, le dernier rade des chagrins avant l'apocalypse.
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Une babysitter étourdie s’endort devant l’émission « C dans l’air » et se réveille le lendemain matin avec 2 enfants disparus, le plan « alerte enlèvement » a été déclenché.


« J’étais pourtant pas fatiguée ce jour là, au contraire, j’étais plutôt en forme, je voulais mettre juste quelque chose à la télé pendant que les enfants jouaient aux petites voitures sur le tapis. Il était autour de 18 h, je me souviens avoir mis la 5, j’étais sur le canapé, je crois que c’était un débat sur Macron ou un truc dans le genre, il me semble l'avoir suivi pendant 10 minutes, d’avoir eu la tête qui tourne et puis là c’est le trou, je me souviens plus de rien…je me suis simplement réveillée étourdie le lendemain avec la sonnerie du téléphone, et les enfants n’étaient plus là… »

Les premiers mots de l'improbable jeune bézaudunoise de 18 ans (habitante de bézaudin-sur-bîne dans la drôme) sont éloquents. Et les larmes qui coulent sur son visage semblent avérer sa bonne foi, ce que confirment aussi les propos de l’adjudant de gendarmerie en charge de l’enquête : « Apparemment elle n’avait jamais vu l’émission, et puis elle est tombé dessus par hasard, comme c'est arrivé au moins une fois à tout le monde, on a depuis visionné le replay et c’était ce jour là avec Nicolas Beytout, Brice Teinturier et Roland Cayrol, on reconnait que c'est assez hard pour une première fois, même sans Christophe Barbier, on ne s’est pas vraiment pourquoi elle est resté sur France 5, alors que n’importe qui de son âge aurait zappé immédiatement sur C8 ou même sur NRJ 12. Par ailleurs, on ne sait pas comment les enfants sont sortis de la maison, est-ce qu'ils ont été choqués par les images et on voulu s'échapper lorsqu'ils ont vu que leur babysitter s'était évanouie ? »

Un psychiatre que nous avons contacté, nous avouera que regarder à l'adolescence pour la première fois des émissions de "C dans l'air", en cachette ou même le soir avec des amis, « ce sont des choses qui évidemment arrivent, et que dans la plupart des cas cela reste sans conséquences et qu’on ne peut pas empêcher tous les jeunes de faire des expériences, pour autant que cela ne devienne pas compulsif, auquel cas il faudrait en parler peut-être à son médecin ». Selon lui il se pourrait même que la violence des débats se vive comme « une initiation ou même un rite de passage aujourd'hui plus ou moins obligé, quand on n'a rien à faire pendant les vacances, sans avoir à passer par le haschich, la masturbation, ou bien l'alcool », même s’il déconseille bien évidemment à tout un chacun de regarder une émission de « C dans l’air » en faisant en même temps une activité qui nécessite une certaine vigilance ».
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:lol: :lol:
"Je n'ai pas de rancune contre les imbéciles, s'ils font des progrès" (Coluche)

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"L'authenticité de cette anecdote est en effet plus que douteuse, mais ça ne retire rien à sa validité !" (Sheldon "Obs" Cooper)
taccagno Avatar de l’utilisateur

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Magnifique! Quelle richesse de vocabulaire, quelles belles tournures, quel phrasé, le tout hélas, hélas, gâché par des fautes d'orthographe indignes de textes d'un telle valeur!
Parole d'Etat, mensongeS d'Etat.
Covid-19, mensongeS d'Etat.
Incarcération, Soumission, Extermination (devise macronnasse de la France)
So let’s walk down Pennsylvania Avenue. (c'est pour l'idée, une autre avenue ailleurs fera aussi l'affaire) Let'go Brandon!
Nous vivons maintenant dans un pays où les journalistes sucent plus de bites que les prostituées (© Blanche Gardin)
Béatrice Avatar de l’utilisateur

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Quand c'est si bien écrit et si drôle, les fautes, rien que pour mes (beaux) yeux, disparaissent, rien que pour ne pas gâcher mon plaisir.
J'ai un deal avec elles, et elles ont accepté de ne pas me sauter à la gueule.
J'ai dû, pour cela, descendre un certain terroriste de la langue française et qui la menaçait ouvertement, il sévissait par là depuis longtemps, j'y ai pas été de main morte.
Malgré tout mes efforts, j'ai peur que se résurrection ne se produise. :cry:
Accusée d'être une tueuse, alors Gaffe, c'est le Gone qui le dit et si il le dit, c'est qu'il doit bien avoir des preuves.
Brrrrrrrrrrrrr ....
Dernière édition par Béatrice le 22 Août 2017, 19:57, édité 1 fois.
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Béatrice a écrit : Quand c'est si bien écrit et si drôle, les fautes, rien que pour mes (beaux) yeux, disparaissent, rien que pour ne pas gâcher mon plaisir.
J'ai un deal avec elles, et elles ont accepté de ne pas me sauter à la gueule.
J'ai dû, pour cela, descendre un certain terroriste de la langue française et qui la menaçait ouvertement, il sévissait par là depuis longtemps, j'y ai pas été de main morte.
Malgré tout mes efforts, j'ai peur que se résurrection ne se produise. :cry:


Aucune crainte... Le gland est long à germer ..et le chêne n'en finit pas d’atteindre l'âge adulte.
D'ici là ...! :lol:
taccagno Avatar de l’utilisateur

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Béatrice a écrit : rien que pour mes (beaux) yeux,
A voir. A vérifier.
Bon, on me rétorquera à juste titre que les yeux de la dame ne sont guère visibles lorsqu'elle fume un calumet.

Quant au terroriste de la langue française, je te suis reconnaissant de l'avoir fait disparaitre. C'était certes violent, mais ô combien mérité.
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Carlbarks Avatar de l’utilisateur

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Est-ce que des bistros de ce genre existent encore ?
franceprofonde Avatar de l’utilisateur

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Je ne crois pas.
J'en ai connu un comme ça fin des années 60 à Saint Geoire en Valdaine... inoubliable !
Quand le bien pensant parle, on entend l'âne qui brait.

Vive le diesel et le nucléaire.

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morticia Avatar de l’utilisateur

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[quote="jules"] La cour des miracles




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Merci de ce partage que j 'avais loupé !!! Je me suis régalée .....donc = merci encore une fois ! ::D: :belgique: :smack:
Gabriel ....



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Dernière édition par morticia le 25 Août 2017, 14:38, édité 2 fois.
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J'en ai aussi connu quelques uns à Paris, dans le Marais, du temps où c'était encore un quartier de petits ouvriers (hétérosexuels en plus). Chez Marinette, juste en face de la boucherie qui est devenu galerie, après que la cirrhose sans doute, ait eu raison de son propriétaire, et avant que le bistro devienne salon de thé. Le boucher traversait la rue entre deux clientes pour boire le petit rouge (les grands sont des voleurs disait-il, en connaisseur) qui l'attendait sur le zinc.

Des amis lui en payaient souvent, quand il avait bu le sien il retournait à sa boucherie mais en commandant un autre, pour l'interlude suivant.

Le bistro avait en ce temps là, un magnifique bar Napoleon III en fer à cheval, avec des grappes de raisins sculptées en bois noir sur le fond acajou. Bar que le patron marocain a fait démolir pour du Formica plus moderne. Souvent une vieille dame "chic" comme on n'en voit plus, toute de noir vêtue, cheveux noir de jais, la peau poudrée blanc et les lèvres vermillon, venait commander un Porto. Marinette, la connaissant, le servait, sans rien demander, dans un verre à orangeade.

De temps à autres, le patron de l'autre bar de la rue, un peu plus loin, en face du square, venait boire lui aussi un petit rouge pour que sa femme ne le voit pas. Il était rouge violacé et son épouse surveillait sa consommation. Alors il faisait tous les concurrents...
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