Bon, alors je recommence, mais je vais enregistrer avant d'envoyer...
Votre lettre, si pleine d'émotion m'avait touchée et avait fait perler à mes paupières des larmes, qui, en ce moment, attendent le moindre prétexte pour se libérer...
Nous parlions donc de Toussaint et du fait d'apporter ou non des fleurs à nos chers disparus, dont la vraie fête, d'ailleurs, est aujourd'hui...
La semaine dernière, donc, j'étais dans les Cévennes, où je me rends de plus en plus souvent ...j'y suis restée deux semaines...
La météo avait annoncé un week-end pluvieux, avec un de ces fameux "épisode Cévenol" dont nous avons le secret et donc, mes sœurs et moi avons décidé d'aller fleurir nos parents vendredi ...parce que, pluie ou pas, nous n'avions pas envie d'y aller le jour du 1er novembre...
Nous y sommes allées avec certains de nos enfants et petits-enfants, qui adoraient eux aussi leur mamie et leur papi et qui parlaient de notre jeune frère, mort à 28 ans, et dont les cendres reposent maintenant auprès de nos parents comme s'ils l'avaient toujours connu ...tellement on leur a raconté de belles choses à son sujet....
Ficelle, j'ai cru comprendre que votre lettre s'adressait à votre papa et vous avez parlé de "quatre petites sorcières" ...
Et mon papa a eu, lui aussi, 4 petites sorcières, plus un petit lutin, disparu, hélas, bien trop...
Nous nous sommes donc recueillis sur cette tombe, cette tombe en pierre grise de Pompignan (village natal de papa où j'ai ma maison, réputé pour sa fameuse pierre) et avons eu bien du mal à y installer les brassées de fleurs que nous avions emmenées, tellement il y a des plaques sur cette petite tombe où reposent les 3 êtres les plus chers à mon cœur qui connaissent déjà cet ailleurs, cet ailleurs qui, parfois me fait peur et parfois aussi m'attire...
Les gens du village, du canton, ont aussi voulu emmener des plaques pour les obsèques, et même si nous trouvions qu'il y en avait trop, comment refuser ?
Un cadeau est un cadeau et nous n'avons pas voulu peiner certaines personnes en enlevant quelques plaques...mais je crois qu'on va y être obligé...
Les enfants, toujours turbulents d'habitude, comme touts les enfants, ont été curieusement "gentils", graves, et Swan envoyait plein de bisous sur la tombe...s
Et puis, après avoir apporté deux pots à nos quatre grands-parents, dont un au cimetière catholique (car il y a deux cimetières dans ma bourgade, un pour les catholiques et un pour le protestants, mais, depuis que le cimetière catholique, plus petit s'est retrouvé "plein comme un œuf" comme disait Brassens, les morts protestants ont bien voulu laisser de la place aux morts catholiques, et, jusqu'à présent, la cohabitation se passe plutôt bien), nous sommes repartis, un peu tristes quand même...
C'était la première Toussaint où le nom de papa se trouvait gravé sur la pierre..
L'an dernier, nous avions été, avec lui, fleurir la tombe de notre frère et de maman ...il lui restait tout juste 38 jours à vivre...
Nous repensions à tout cela en rejoignant nos voitures, tout en bénissant quand même la mort rapide et sans souffrance de nos eux parents (ce qui n'avait pas été le cas pour notre frère, malheureusement)...
Et puis le soir, comme prévu, la pluie s'est invitée (j'en ai d'ailleurs fait un poème posté aujourd'hui) et il a plu trois jours durant...
Un temps pluvieux et triste, avec des pluies diluviennes et de violentes rafales de vents rafales de vent, un vrai temps de Toussaint, quoi...
Un temps à rester bien au chaud, lovée dans un vieux fauteuil moelleux, devant la cheminée dont la chaleur soulageait ma sciatique...
Et je pensais aux cimetières que j'imaginais noyés sous la pluie ...et je pensais à mes parents qui l'aimaient la pluie, tout comme moi, parce qu'elle me procure un certain apaisement...
Et puis hier le temps était encore un peu gris, encore un peu tristounet, et, subitement, avant de repartir sur Montpellier pour y "retrouver la civilisation" comme j'aime dire, vers 16 heures, j'ai voulu passer au cimetière, j'ai voulu y aller toute seule, parce que j'en avais besoin...
Malgré le temps "mi-figue-mi-raisin", il y avait du monde, pas mal de monde et, mis à part la terre détrempée dans laquelle s'enfonçaient les talons de mes bottines, les tombes n'étaient pas ravagées, pas abimées par les intempéries, mais magnifiques sous ces tapis de leurs multicolores qui les retrouvaient...
Des personnes que je connaissais de vue étaient devant la tombe de mes parents, comme cela arrive souvent, mais elles se sont éloignées quand je me suis approchée...
Et là, quand je suis arrivée devant la tombe, croulant sous les fleurs, un rayon de soleil est venu soudain se poser sur la pierre grise, éclairant joliment les noms gravés dessus ...
C'était presque irréel, ce rayon de soleil qui arrivait d'un coup, au moment même où je me recueillais, comme pour m'envoyer un signe...
Après leur avoir adressé quelques mots, comme je le fais toujours, je me suis éloignée et me suis promenée un peu dans les allées, "saluant" au passage une copine de classe du même âge que moi, un couple d'amis très chers, disparus à 2 ans d'intervalle, comme mes parents, une vieille amie de ma grand-mère qui m'apprenait à tricoter quand j'avais 10 ans...je reconnaissais des visages, même, si, dans notre famille, nous n'aimons pas les photos sur le tombes...
Et puis, comme le soleil, apparu si tardivement allait doucement se coucher, je me suis recueillie devant une tombe, que je visite toujours en dernier, toujours la même : un caveau de marbre gris, un peu ostentatoire à mon goût, avec la photo d'un Homme de 48 ans qui sourit pour l'éternité (il est mort en 1995)...
Et hier encore il souriait, il me souriait, mais moi je ne voyais pas le Monsieur de 48 ans, je revoyais le sourire du beau garçon de 20 ans qu'il avait été, "il y a un siècle, il y a une éternité" ...je revoyais le visage de mon premier et de mon grand amour qui me souriait, comme quand nous écoutions tous les deux "yesterday", un soir d'hiver, dans les années 60...

Isis
PS : eh bien j'avais bien fait d'enregistrer avant d'envoyer, car j'avais été déconnectée et mon message avait été effacé une nouvelle fois
"La poésie, c'est voir un arc en ciel dans une simple flaque d'eau" (J.L.C°)